C’est à la faveur de l’exposition Salammbo au Musée du Bardo, une exposition dédiée à l’ouvrage de Gustave Flaubert, réunissant des chefs d’œuvres tunisiens et des prêts exceptionnels d’objets de collections françaises https://www.mucem.org/programme/exposition-et-temps-forts/salammbo-de-flaubert-carthage, que je m’inscris à un atelier » vers un roman photographique d’écriture photographique ».
Organisé par l’Institut Français de Tunisie, l’atelier est animé par Anne -lise broyer https://www.annelisebroyer.com/ et accompagné par Marianne Catzaras, photographe et poète née en Tunisie de parents grecs.
Je m’inscris pour raconter une histoire sur l’histoire de mon pays et ne sais bien entendu par quel bout commencer. A la présentation du corpus, je présente une image, celle d’un cafetan noir, tenue traditionnelle de Hammamet que portent les femmes tous les jours. La photo est plate. Juste imprimé d’un document Wikipedia! La honte!
Par conte, l’histoire, je l’ai en tête.
Je la raconte brièvement. Elle s’impose. Forte et surprenante, touchante et audacieuse! Comment la raconter? Quoi montrer? Que reconstituer? Les questions explosent et me donnent le tournis. Anne-Lise qui a fait raconter des territoires, notamment la Normandie ou a vécu Duras et Flaubert me tend une perche, plusieurs, perches…
Ecrire en images
Faire parler le lieu, théâtre des évènements pour reconstituer. Essayer de poser des mots, réhabiliter une histoire, un incident ou accident de l’histoire. D’emblée, le mot revenir sur le théâtre des faits me fait sourire. C’est sur ce même lieu qu’un théâtre de plein air a été édifié par fondation Gulbenkian ! Ironie de l’histoire? Les lieux vivent-ils les même coïncidences que les humains? Et si c’étaient eux qui avaient la plume et pas nous?
A ce stade, cela me terrorise. Je m’en remets à l’énergie des participants à l’atelier, à la souplesse d’Anne lise et a la force tranquille de Marianne.
A priori, les participants de l’atelier viennent d’univers différents. Nous n’avons rien à voir les uns avec les autres. A part Amine qui partage la même table que moi et dont la sensibilité et la finesse me touchent d’emblée. Nous ne nous connaissons pas.
Je me retrouve nue, sans images. sans outils et même sans mots !
Au fil des heures et des échanges, j’apprends qu’il n’ y a pas de « belles images » ou des « photos bien » !
Tout est matière à partir du moment où l’on sait raconter. Tout est matière à partir du moment où l’on pose un rythme, un souffle, la vie. De photos plates, presque banals, se construisent les plus belles émotions…
L’exercice phare de cet atelier a été une écriture commune. Tous les participants s’essayent au poème, texte, juxtaposition de mots…On lit ou pas. On choisit tour à tour une couleur. Bien entendu, je dis blanc pour mon poème « Jasmin asmathique« .
Nathalie est espagnole et a écrit un joli texte. Elle aussi est venue sans images. Elle aussi est journaliste. Elle aussi cherche sa voix créative.
« Courir pieds nus est aussi une révolution » est sa phrase. C’est celle que l’on choisit pour une construction à 24 mains, 24 yeux et des milliers de pensées!
« Courir pieds nus est aussi une révolution«
Nous voilà tous partis dans un voyage où l’on devait choisir, sélectionner, rajouter, enlever, ordonner désordonner, hiérarchiser…Le jeu a duré plusieurs heures. Chacun de nous écrivait en images une phrase, un mot, une ponctuation, un silence sous les conseils de Marianne et Anne-Lise.
L’écriture commune comme un dépassement
Au final, la composition prend forme.
L’histoire prend sens.
Moi qui venait sans images, j’en ai entre temps imprimé quelques unes sans grande conviction, me retrouve à exposer une photo au lieu d’un texte! C’est une de mes images qu’Amine tord et pose à côte de la sienne pour constituer le point de départ de l’histoire qui s’écrit! Mon pied tordu avec son hallux valgus nu sur le sable de la mer de Kerkennah répond à celle d’Amine, prise à Djerba, où j’ai vécu près de 10 ans.
Mais cela je ne le dirais pas !
Pas plus que je ne dirais ma révolution à moi!