Ils ont répondu franchement ou pas, je n’en suis pas garante ! Installés depuis 45, 35, 18 et 5 ans, ils ont avoué avoir un peu peur de se rendre sur les plages isolées du Cap Bon qu’ils adoraient, que la vie était devenue trop chère, qu’ils souffraient du manque de civisme des Tunisiens et de l’insécurité régnante. Sans plus !
«J’adore la mer et me retrouver dans une plage qu’avec des femmes voilées me fait peur». Pour L.C., « la ville de Hammamet est sale. Un comble pour une ville touristique ! » Cependant elle ajoute : « Les gens sont de plus en plus agressifs. On n’a pas voulu servir ma fille durant Ramadan dans un café avec sa cousine car elle est musulmane. Mais elle n’a que 13 ans, ne jeûne pas et elle est à moitié italienne…» La maman a finit au poste de police avec sa fille et crie à l’intégrisme intégral à qui veut l’entendre. Pour elle, il ne fait aucun doute que la Tunisie a plongé et n’est plus aussi tolérante qu’avant.
J’ai beau lui expliquer que c’est bien pour cela que l’on se bat mais que de là à tirer autant de conclusions, c’est peut-être aller un peu vite en besogne, elle reste sur sa position. Sa fille finit ses études secondaires bientôt et elle envisage de l’envoyer en Italie.
Sans vouloir relativiser l’épisode de ramadhan et la fermeture de quelques cafés, nous sommes encore loin de Ryad qui menace d’expulser les expatriés qui ne respectent pas ramadhan et de l’Algérie voisine où l’on a recensé 117 inculpations pour non-jeûne en plus des tabassages fréquents.
En Tunisie, des cafés et des restaurants sont restés ouverts. Nous sommes donc loin du Maroc qui n’autorise que Mc Donald à rester ouvert et à ne servir exclusivement que les étrangers et les enfants. Autrement dit ceux qui n’ont pas de «gueule d’arabe» ! Allez savoir ce que nous réservera l’avenir. Pour le moment, nous sommes encore à l’abri de voir notre Etat permettre à un employé de McDonald de vérifier nos pièces d’identité avant de prendre une commande. C’est déjà ça ! Finalement, ça a du bon de ne pas avoir l’enseigne McDonald… du moins pour le moment !
Il faut tout de même se souvenir que le modèle d’Ennahdha est ou était la Turquie où tout est ouvert 365 jours sur 365 jours et où les populations sont complètement libres d’ingurgiter ce qu’elles veulent, quand elles le veulent. Il se pourrait que l’on soit logé à la même enseigne que les citoyens gouvernés par l’AKP ? Rien n’est aussi sure au vu des serrages de vis que vivent les gens. A Hammamet, les hôtels sont pleins, les discothèques bondées, l’alcool et les prostituées tournent à plein régime, il n’empêche que l’ambiance est lourde, les gens tristes et inquiets.
« Où est la bonne humeur des Tunisiens ? » dit T.F, architecte de renom qui reste très optimiste. « Je donne 3 ans à ce petit pays et il sera sur pied et je sais de quoi je parle ! Je suis en Tunisie depuis plus 37 ans et la nature du Tunisien qui aime la vie reprendra vite le dessus…». Pour R.C., Italien qui fait des affaires avec le pays depuis plus de 45 ans et qui a connu plusieurs ministres, ambassadeurs de Ben Ali et de Bourguiba, il n’y a aucun doute qu’il y a une ceinture de sécurité autour du pays. Il croit dur comme fer en l’armée républicaine et se prononce pour une fin heureuse reconnaissant que les investissements étrangers sont au point mort et qu’il est inéluctable que le pays va traverser une phase de violences.
Les uns partent et d’autres arrivent et c’est ainsi que va la vie. Si certains ont choisi de partir et de ne plus rester vivre dans un pays en pleines transformations, nombreux sont ceux qui viennent ou envisagent de s’installer en Tunisie bien loin de la crise européenne.
Thomas a une agence immobilière qui ne désemplit pas. « Tous veulent s’installer et vivre ici à la seule condition que le pays reste loin du fanatisme et du sang qui coule… », m’explique-t-il. Des images liées à l’expérience iranienne et algérienne et fortement marquante pour l’imaginaire européenne. Pour Umberto, italien qui a la nationalité tunisienne depuis plus de dix ans : «Seuls ceux qui ont compris l’âme tunisienne pressentent que pareils scénarios sont difficiles en Tunisie…»
Maintenant, nul n’est devin et seul l’avenir nous dira ce qu’il adviendra de notre pays !
Amel Djait
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