"Tounes Lik" ou l'art de donner du sens au tourisme tunisien

Il arrive un moment dans la vie où on devient obsédée par la nécessité de transmettre et de partager. La maturité permet de regarder en profondeur, différemment et avec bienveillance. Etre sollicitée pour participer en tant que jury au concours « Tounes Lik » https://www.touneslik.tn/fr par l’Office National du Tourisme Tunisien, sous l’égide du Ministère du Tourisme Tunisien est un honneur. Par Amel Djait

Porté par une équipe organisationnelle, fébrile et motivée, le concours est ambitieux. Il tient sa première édition en cette mi-novembre 2024, mêlant les votes du public à celle d’un jury composé de profils différents et complémentaires.

Traditionnellement extrêmement critique envers les politiques touristiques de mon pays, mes relations avec les ministres de tourisme qui se sont succédés à sa tête n’ont pas toujours été au beau fixe. Journaliste spécialisée, je leur reproche leur manque d’audace, leur obédience à maintenir sous perfusion des entreprises et des institutions caducs. Par dessus tout, j’estime qu’ils négligent inlassablement le potentiel extraordinaire des destinations touristiques tunisiennes.

La jeunesse impose son style

Je pense profondément que le tourisme tunisien mérite mieux. Il peut tellement plus. Cependant, il est et restera longtemps encore le moteur économique de notre pays.

Invité à être jury par un organisme étatique que j’ai souvent critiqué représente pour moi une reconnaissance de mon parcours, ma vision du tourisme et mon ouverture envers le autres. 1001Tunisie a été mon message principal pendant plus de 15 ans. Il a signé mon engagement envers le tourisme et la Tunisie. Il est un cadeau pour lui.

Mais quelle relation y a t-il entre ce concours et moi? Pourquoi cela évoque t-il avec autant de persistance mon parcours personnel, alors que j’ai souvent été jury et dois admettre que j’aime cela !

Ere jury aujourd’hui et dans ce concours en particulier revêt un autre dimension. Comme je l’ai souvent fait, ce concours repousse les limites du possible dans une destination qui a du mal à se réinventer. Au delà de tout, il vise à remettre du lien entre le tunisien et ses territoires touristiques. Il encourage les jeunes à mettre en avant leur propre passion de leur pays. Quand un concours réunit le talent à la passion, le résultat ne peut qu’être d’exception.

Ce concours va bien au delà! Il est le réceptacle de cette jeunesse qui porte un regard frais et décomplexé sur des destinations de tourisme alternatif, saharien et culturel. De fait, il dépasse les objectifs qu’on lui assène. Les jeunes talents ont certes créer du contenu, mais plus encore. Plus de 120 vidéos, entre primées et d’autres à peine regardées, ont été proposées sur la plateforme dédiée. Le rendu final, et dans une liberté totale, a permis de créer des images magnifiques, mais bien plus encore! Il a par ses contenus divers dépassé la loi qui interdit, limite et frustre.

De la magie d’être jury!

Par leurs contenus, les jeunes talents invitent l’administration à s’autocritiquer et provoquent les lois en anachronisme avec la réalité du terrain et la vérité des territoires. Par leurs vidéos, ils projettent les attentes qu’ils ont en matière de détente et de loisirs. Ils dessinent des produits touristiques en harmonie avec leurs aspirations et appropriations des territoires. Par leurs vidéos, c’est une vison humaine pour le tourisme, le partage et l’originalité qu’ils imposent. Par leurs vidéos, ils font la démonstration de la création de valeur et de prospérité qu’ils osent. Les jeunes talents dépassent les limites, cassent les chaines et cela nous fait du bien!

Dans cette interview à Radio Jeunes, j’explique au micro de la jeune journaliste Awatef Ouerghi mon point de vue avec clarté et non sans enthousiasme. Pour écouter: https://www.facebook.com/radio.jeunes/videos/3443531089283933/?rdid=2Ex6VZyM9ggMBwq5#

Soutenir la créativité et encadrer les jeunes talents

Durant la soirée de remise des trophées, j’ai échangé avec Chadi, troisième prix dans la catégorie tourisme culturel. Le jeune homme a fait sa vidéo en 20 minutes à Kairouan et avec pour seul outil un téléphone. 20 minutes! Imaginez, s’il avait pris 2 heures, 2 jours ou 2 mois? Imaginez s’il avait accès à du matériel professionnel, à des outils de créations de vidéos payantes. Imaginez les rendus qu’il serait capable de livrer avec une formation, un encadrement, un stage rigoureux…Imaginez…

Durant la soirée, je pense à nouveau à celui qui a gagné le Prix Spécial du Jury. Il vit en Lybie, me dit-on. Lui, sa vidéo il l’a faite pour tester ce qu’il construit; des drones! Aujourd’hui, il ne peut vivre et évoluer dans un pays qui reste résistant à leurs exploitations et utilisations. Imaginez, lui il les construit avec son propre brevet!

La Tunisie s’étouffe avec des lois caducs

Pour cette jeunesse, les lois doivent changer. Le texte portant sur les drones est en rade à l’Assemblée nationale. Pourquoi attendre? Pourquoi perdre nos jeunes talents? Pensez vous que seuls les jeunes médecins, ingénieurs, architectes et auxiliaires de vies partent ? Dans le tourisme, on évoque peu les départs des forces vives. Pourtant les masseurs, les cuisiniers, les serveurs, les réceptionnistes…Tous partent!

Il y a quelques années dans une ville touristique marocaine, plus de 40 directeurs d’hôtels d’une seule destination étaient tunisiens! Et on s’étonne encore que des destinations touristiques concurrentes évoluent ! Ils évoluent entre autres avec nos compétences. Ils évoluent car nous ne voulons pas changer. Nous ne savons pas comment changer!