« Les professionnels du tourisme qui nous ont invités nous ont expliqué vouloir compenser l’hémorragie actuelle de touristes en ciblant la clientèle des musulmans européens, plus ou moins pratiquants », raconte Mohammed Henniche, participant à ce voyage, et responsable de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis. Il témoigne: « Ils savent que même si ce n’était pas leur choix, ils vont devoir vivre avec un gouvernement Ennahda pour cinq à six ans et que désormais le pays a une connotation “islamiste”. Ils doivent faire une croix sur la clientèle en string : même sans milice sur les plages, elle ira ailleurs. Ces hommes d’affaires ont donc décidé de prendre les devant et ont testé sur nous un nouveau circuit plus religieux. »
Mais qui sont ces hommes d’affaires ? Qui fait la promotion d’un produit touristique encore indéfini ? Du côté du tourisme tunisien personne n’a eu écho de cette promotion ni de cette initiative. Etrange lorsque l’on sait que tous les circuits sont validés par les services de l’Ontt et soumis à des autorisations. Même si les initiatives sont toujours bonnes à prendre, il faut les entourer d’un minimum de sécurité, de faisabilité. Il s’agit surtout de na pas essayer d’aller plus vite que la musique car ce tourisme là reste une minuscule niche et qui s’il est trop mis en avant risque fortement de compromettre une des principales ressources de la Tunisie. Le pays a besoin de son tourisme pour affronter l’avenir. Ce Secteur contribuera à résorber la fracture régionale, résorbera le chômage et rendra la destination plus attrayante pour une vraie rentabilité, une fois qu’il aura fait sa propre révolution.
Toujours selon l’article, une cinquantaine d’invités sont donc venus d’Île-de-France et de Moselle. Des « responsables musulmans » qui représentent une quarantaine de mosquées françaises. La délégation s’est rendue à Tunis, a rencontré Mustafa Ben Jafaar et des députés de tous bords. Ils ont aussi rencontré Moncef Marzouki et assisté à une séance de travail de l’Assemblée constituante depuis la tribune des journalistes.
L’article continue en affirmant qu’une réunion a eu lieu avec l’ambassadeur de France à Tunis qui « leur a confié – en arabe classique – que « la France avait pris un coup après la révolution du jasmin, parce qu’elle ne l’avait pas accompagnée depuis le premier jour » et qu’il comptait sur eux « pour dire que les musulmans étaient bien traités en France, que la France acceptait l’islam ».Ces Invités ont vraisemblablement été invités à revenir prochainement pour un colloque organisé par l’ambassade de France destiné à stimuler la vie associative tunisienne.
Les « responsables religieux » ont aussi fait du tourisme et ont pu découvrir les charmes de Hammamet et de Kairouan. Le voyage comportait donc un volet culturel et religieux. À Tunis, la délégation a visité l’université et la mosquée Zitouna, où elle a été reçue par l’imam avant de mettre la cap sur de Kairouan. La ville était le centre de la vie religieuse aux premiers siècles de l’islam rapporte Mohammed Henniche et au programme, les hôtes de la Tunisie ont visité de l’école coranique et du centre universitaire, où les responsables religieux tunisiens ont confié à leurs homologues français « qu’ils sortaient d’un tunnel, que le régime Ben Ali leur mettait des bâtons dans les roues mais qu’ils commençaient maintenant à redresser la tête ».
« Nous avons beaucoup apprécié, c’était très beau reconnaît Mohammed Henniche, lui-même d’origine algérienne. Les organisateurs du voyage souhaitent proposer ce circuit touristique sous forme de forfait à compter du mois de mars, et devraient ouvrir une agence de voyage en région parisienne dès février. À charge pour les responsables musulmans français d’en parler autour d’eux. Ils nous ont dit qu’ils s’inspiraient de ce qui se fait déjà en Turquie, avec des formules sans alcool, avec piscine non-mixte », poursuit le secrétaire général de l’UAM 93. Cette proposition est-elle susceptible de marcher auprès des musulmans français ? Peut-être oui, répond-il. Mais je ne crois pas que cela compensera la perte des autres ! »
Dans ce même contexte de nombreux efforts se multiplient à travers divers réseaux pour développer le tourisme « hallal » en Tunisie et dans la région. Une tendance qui s’est confirmé notamment au cours du premier forum international sur le développement commun tuniso-turco-libyen, organisé par l’Association «Namaa Tunisie» en partenariat avec TASCA (Association d’amitié Turco-arabe).
Un produit que veut mettre en avant le parti Enahdha avec notamment la multiplication des déclarations de Rached Ghannouchi sur les hotels sans alcool et à caractère famille et sans mixité. Le Leader du parti au pouvoir est en passe de devenir l’ambassadeur d’un tourisme venu d’ailleurs. Un tourisme qui n’a jusque là pas fait ses preuves ailleurs.
Amel Djait
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