Lorsque les dépositaires d’un pouvoir et les personnes chargées de maintenir l’ordre, s’effondrent dans le désordre, la force et l’agressivité, c’est le signe de leurs incertitudes en leur propre autorité, c’est le signe évident qu’ils ne possèdent plus guère que l’autorité de la force.
Lorsque des minorités confisquent les libertés individuelles et collectives, au mépris des pouvoirs et avec la complicité passive ou active de celles et ceux qui sont chargés de maintenir l’ordre, on ne peut que s’interroger sur le sort et l’avenir des majorités soucieuses de vivre dans la paix et la liberté.
Les discours apaisants, les engagements lénifiants, les images engageantes… sont bien peu de choses face à une Tunisie où la plupart des manifestations dérivent dans le chaos et la violence avec la complicité passive des gouvernants démocratiquement élus et la répression violente de forces de l’ordre métamorphosées en… forces du désordre.
En me faisant l’avocat du diable, j’écrirais que cette manifestation de la « Journée des martyrs » était interdite, « illégale » et en l’organisant au-delà de cette interdiction, les manifestants offraient le bâton avec lequel on pouvait les battre impunément… ou plutôt légalement.
Dans la Tunisie actuelle, le pouvoir paraît bien impuissant à suivre et à faire suivre la ligne de conduite de ses discours et de ses engagements. Le pouvoir en place apparaît bien impuissant à faire la part des choses entre les manifestations qui s’inscrivent dans la progression démocratique de la Tunisie (à laquelle s’engage ce même gouvernement) et les manifestations qui contredisent l’action gouvernementale pour replonger la Tunisie dans les catacombes d’une nouvelle dictature.
De leur côté, les forces de l’ordre semblent cultiver une inavouable volonté de désordre, en oscillant entre la passivité à l’égard des minorités violentes et l’agressivité à l’égard des manifestations qui se veulent pacifiques.
Etonnant ! Interpellant !
De l’extérieur, on ne peut que s’interroger, observer, craindre. De toutes parts, les envies et les engagements de collaborations susceptibles de participer au nouvel avenir de la Tunisie, s’éteignent, se referment ; soucieuses de ne pas mettre le doigt, les partenariats, les engagements financiers… dans une mécanique où les plus beaux projets s’envoleront en fumée.
Les troubles tunisiens comme ceux dont on a encore eu l’écho ce week-end, font le lit du chômage, de l’ignorance, de la stagnation économique, de la régression culturelle et de l’obscurantisme.
Des maux que parfois, on connaît en Europe mais qui sont bien légers, comparés à ce qui pèse sur cette Tunisie qui avait cultivé tant de promesses et en laquelle tant de monde croyait.
Croire en la Tunisie, aujourd’hui ?
Cela relève presque de l’inconscience. On ne peut s’empêcher de douter de l’avenir.
En tout cas, on ne peut s’empêcher de s’interroger devant l’impuissance d’un pouvoir symbolisé par un Président Marzouki évoquant (avouant ?) les « violences inacceptables des manifestants comme des forces de l’ordre ». On ne peut empêcher un frisson de crainte devant ces forces de l’ordre semant le désordre à coups de lacrymogènes et ces milices emmêlées dans les forces de l’ordre pour y créer le désordre.
On s’interroge surtout face à cette confusion croissante entre ce qui tourne rond et ce qui tourne carré dans la Tunisie d’aujourd’hui. Sans doute s’interrogerait-on bien moins si la presse pouvait jouer son rôle d’informateur lucide et impartial pour éclairer la Tunisie et la monde à propos des réalités, bonnes et mauvaises, de la Tunisie d’aujourd’hui.
Mais apparemment, beaucoup trop de personnes mal intentionnées éprouvent le besoin de lier les mains des cameramen et photographes pour les empêcher de filmer et photographier.
Beaucoup trop de liberticides occupés à détruire les libertés et l’avenir d’un pays, ont intérêt à bâillonner les journalistes, les reporters, les témoins…. toutes celles et tous ceux dont la vocation et le métier est de refléter des vérités…. Sans doute trop inavouables pour être transmises.
Alain Trémiseau