Politique tunisienne : accouchement ou complication ?

Depuis le 23 octobre, on se titille toujours autant. Nous avons changé un moment de ton. Il était devenu vital, voire obsessionnel de savoir qui a voté quoi ? Les questions, œillades et insinuations sont devenues monnaie courante et nous sommes passés par la phase « il est avec nous ou avec les autres ? ».

Avec les tractations liées à la répartition des rôles à l’Assemblée Constituante puis celles encore en cours pour le Gouvernement, nous avons plongé dans un autre registre. Nous nous sommes lancés à la traque des potentiels ministres. Tout le monde a joué le jeu. Les médias fonctionnent aux tintamarres et les potentiels concernés aux réseaux et chuchotements. Le tout est surexcité en faisant son shopping principalement sur Facebook.

Avec l’affaire du « califat », la valse des démentis des partis politiques et des prestations des porte- parole s’est enflammée. Elle a donné autant le tournis que les tractations. Entre le siège d’Ennahdha, les salons privés des hôtels, les invitations privées à déjeuner ou à prier et les dîners sur les terrasses des restaurants branchés de la banlieue de Tunis, ce sont les paroles censées qui sont venues à manquer. Il est temps que les partis politiques s’organisent, apprennent à communiquer et à moins leurrer et louvoyer. Semer le trouble et cultiver le brouillard porte préjudice, assombrit les horizons et détourne des vrais débats. Ce peuple qu’ils rusent en ce moment, est celui-là même qui votera pour ou contre eux dans peu de temps. Encore faut-il qu’ils s’en souviennent !

Impatience
Sommes-nous au bout de nos peines ? Certainement pas ! L’attente de la composition du gouvernement n’en finit plus… Entre ceux qui veulent partir, ceux qui veulent rester et ceux qui veulent y entrer, il y a bien assez de monde pressé et entêté. Tous s’y voient potentiellement ou déjà !

Ces derniers jours sont marqués par « Celui-là, tu crois qu’il est ministrable ? », « Tu crois qu’il peut faire l’affaire pour tel poste ? », « Il a été proche de X ou Y, il est grillé ! », « Même s’il n’a aucune expérience politique, ce n’est pas grave, on va lui flanquer deux vieux routiers de la chose et il fera l’affaire »… Le marathon s’avère encore plus difficile lorsqu’on cherche des oiseaux encore plus rares, les profils féminins. Une femme dans un gouvernement dirigé par des islamistes ça fait bien !

Pendant ce temps, dans des sphères nettement moins privilégiées, la vie continue paisiblement et souvent péniblement. Le chômage, la précarité, la cherté de la vie, les martyrs de la révolution et ses blessés… Les jupes sont-elle plus longues ?Peut-être pas… Mais les incidents et les intimidations à l’encontre des femmes, des artistes et des jeunes sont signalés quotidiennement. Sont-ils plus nombreux ou restent-ils des actes isolés ? Peut-on parler d’une stratégie d’intimidation et de moralisation? C’est trop tôt pour l’affirmer. Un fait est certain, pas un jour ne se passe sans qu’une lycéenne ne soit interpellée pour un caleçon trop étroit ou une tape amicale faite à des copains de classe !

De trop nombreuses réflexions se font sur un ton que l’on ne sait s’il est menaçant ou taquin. Des remarques désagréables à vivre au quotidien. Il n’y a pas un jour où les femmes ne sont pas gratifiées d’un « Ennahdha est arrivé, vous allez voir !  », « Ennahdha va régner et  nettoyer… », «Ennahdha va remettre les valeurs à leur place… », «Ennahdha va t’obliger à accepter une autre épouse pour ton mari »… Ah, ce grand méchant loup qu’est Ennahdha ! Ah… ces petits garçons qui en ont toujours autant besoin !

Le gouvernement aura tant et tant à faire au vu des urgences. Remettre l’économie en marche, trouver du travail aux chômeurs, rassurer les partenaires étrangers et redonner confiance aux Tunisiens. Une sacrée Task List ! Gouvernement d’Union Nationale ou whatever, il y a tant à faire qu’il faudra que leur équipe soit une « Dream Team » solide !

Si une bonne partie des Tunisiens semblent patients la colère monte. La tension et la douleur ont repris le dessus dimanche lors d’une cérémonie à Tunis à la gloire des « martyrs de la révolution ». Elle confirme l’impatience. Que ceux qui croient qu’on peut encore lasser de nouveau les Tunisiens prennent garde. Ils ont prouvé qu’ils savaient être patients mais qu’il ne fallait pas en abuser…

Amel Djait

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