Une Tunisie dont le gouvernement s’oublie à régler ses comptes avec des pans de la société en s’abreuvant de la théorie du complot et en alimentant les dissensions, le régionalisme, la lutte des classes, le takfir…
Selon toute vraisemblance, le gouvernement provisoire de la Tunisie est en train de se fracasser dans l’exercice d’un pouvoir pour lequel il n’était pas prêt mais qu’il a cru maîtrisé avec arrogance et entrain, par manque d’expériences et de compétences.
L’heure des premiers bilans est passée. Les événements ne font que prouver chaque jour l’incapacité de ce gouvernement à s’occuper des affaires courantes et extraordinaires du pays. Entre la baisse de la notation de Standars & Poor et la décision d’imposer un couvre feu dans 8 gouvernorats, seules quelques semaines se sont écoulées. Les signes d’incapacité, mentionnées par S&P, de gestion de la Tunisie par le Gouvernement Hamadi Jebali se confirment bien plus vite que prévu.
Au vu de l’état sécuritaire du pays, pas plus brillant que l’économie, le Syndicat de la police a demandé l’autorisation de stopper les agissements et les violences de minorités qui sont manipulatrices et manipulables. Celles-ci cherchent à déstabiliser le pays, à déplacer ses lignes rouges et à multiplier les assauts pour faire chanter le peuple.
Ce dernier abasourdi sent arriver un été à problème et un ramadhan préoccupant dans un contexte où le un coût de la vie est de plus en plus cher. Les Tunisiens viennent d’en finir avec les examens du baccalauréat entachés de tricherie, ils découvrent que leurs artistes préférés seront absents des festivals, cela à cause d’un ministère de tutelle qui se désengage de la Culture et, comble, livre en pâture ses artistes à des minorités violentes.
Désormais, la sympathie qu’avait le monde pour la Tunisie disparaît comme neige au soleil. Mustapha Kamel Ennabli, gouverneur de la Bct a déclaré sur une chaine télévisée que les aides et soutiens internationaux se font rares sur fond de crise économique en Europe. Autant dire que les caisses tunisiennes commencent à se vider et ce ne sont ni les annulations des réservations des hôtels pour cause de compromission de la saison touristique, ni le rapatriement de sociétés off-shore étrangères et encore moins le recul des investissements étrangers qui vont permettre de rectifier le tir.
Autant d’indicateurs que le gouvernement fait semblant d’ignorer. Hamadi Jebali après un concert de Björk à Rabat déclare à partir de la Mauritanie que tout va pour le mieux en Tunisie en appuyant sa déclaration de son légendaire sourire.
Il faut reconnaitre que ces dernières semaines, les membres du gouvernement étaient nombreux à se féliciter, entre autres, du retour à la normale de la machine touristique tunisienne. C’était sans savoir qu’une gouvernance qui n’enclenche pas de vraies réformes et omet de mettre en place une politique adéquate face à une situation extraordinaire s’effondre au premier obstacle. Les professionnels du secteur du tourisme ont défilé samedi dernier dans les rues de la capitale criant leur colère et exprimant leur désespoir face à un couvre-feu qui achève tous leurs espoirs. Ils en appellent dans une dernière tentative au dialogue et à la concertation avec un gouvernement qui les ignore!
Il est indéniable que le gouvernement s’est fait tirer dessus à boulets rouges dès sa nomination. Il est indéniable aussi qu’il a trop tardé à prendre position sur les sujets délicats et qu’il peine à faire appliquer les lois. A force de compromis, il est tombé dans la compromission et s’est mis à dos une grande partie de ceux qui pouvaient lui venir en aide. Un à un, l’opposition, une bonne partie du monde associatif, les syndicats, les femmes, les entrepreneurs, les jeunes et une grande partie du peuple s’en détachent, critiquent, déchantent…
Lorsque le journal « Le Maghreb » titre que 42% des Tunisiens regrettent Ben Ali, on y a vu de la provocation ou une interprétation fantaisiste. Aujourd’hui, les appels à la mort des artistes, des démocrates, des journalistes deviennent dangeureusement le quotidien d’un pays qui a peur. Le pire serait que des tunisiens en viennent à regretter la révolution par la cause d’un gouvernement issu de la révolution et qui fait fondre bien des espoirs.
Même Les plus farouches au retour des anciens du RCD voient en l’initiative de Beji Caid Essebsi «Nidaa Tounes» une opportunité. Ennahdha par son hégémonie et la troïka par son échec à l’exercice du pouvoir fait le lit du retour des anciens despotes. A trop cumulé les erreurs, le gouvernement donne l’impression de ne rien contrôler ou si peu.
Malgré les bourdes, démissionner ne semble pas lui effleurer l’esprit. L’idée ne taraude même pas ses ministres les plus spectaculairement défaillants par la quantité d’absurdité qu’ils débitent. Pourtant entre celui des affaires religieuses, des affaires étrangères ou encore celui chargé des affaires politiques auprès du chef de gouvernement, il y a des arguments de poids pour justifier le fait qu’ils devraient remettre leur tablier.
Les ministres de ce gouvernement de transition démocratique savent-il seulement en quoi consiste leur métier? Réalisent-ils que condamner un pan de la société comme l’ont récemment fait trois ministres (celui des Droits de l’Homme, celui de la Culture et celui des Affaires religieuses) en relation avec l’affaire d’ « El Abdeliya» est un précédent d’une grande gravité.
A force de ne regarder que dans un sens, le gouvernement a bizarrement encore du mal à reconnaitre ses limites. Que lui faut-il de plus ? Saura-t-il faire marche arrière ou continuera t-il de sacrifier la Tunisie pour ne pas reconnaitre ses erreurs?
Amel Djait
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