La Tunisie a peur? Non, elle résiste

Aujourd’hui les tanks se déploient et l’armée veille sur le pays. Demain, se tiendra une manifestation des professionnels du tourisme pour mettre le gouvernement face à ses responsabilités. Le secteur qui fait vivre plus d’un million de Tunisien(ne)s va «demander au gouvernement de faire face à ses responsabilités sans nuire davantage à un secteur au bord du gouffre».

Comme tous les samedis, depuis des mois, il se tiendra dans les principales villes du pays des colloques, des concerts, des rencontres, des vernissages, des meetings, etc. Des rendez-vous qui témoignent de la vivacité des Tunisiens à défendre leur mode de vie et leur soif de vivre leur liberté récemment acquise.

Pourquoi suis-je confiante ? D’abord, car le parti majoritaire au pouvoir, Ennahdha, vient de subir une cuisante défaite politique qu’il n’oubliera pas de si vite! Rached Ghannouchi a fait marche arrière quand à son appel à une marche pour protéger «la révolution», s’opposer à la violence et défendre «les valeurs du sacré». Le ministère de l’Intérieur a décidé d’interdire «les marches du vendredi». Le face à face tant attendu entre les salafistes et les militants d’Ennahdha n’aura pas lieu. Ce vendredi, la Tunisie ne sera pas à feu et à sang.

Ce vendredi sera un autre jour ordinaire dans un contexte post révolutionnaire. Un jour de colère et de prières pour certains mais aussi un début de week-end pour ceux qui souhaitent prendre une bière en bord de mer.

N’en déplaise aux actuels gouvernants, la Tunisie résiste. La société civile s’organise et se défend de mieux en mieux. A titre d’exemple, le syndicat des arts et métiers  porte plainte contre trois ministres et j’en passe…

La confrontation salafo-islamiste n’est peut-être que reportée, mais cet événement qui allait assurément mettre en péril le pays a finalement démontré que la Tunisie a du ressort et des institutions qui la protègent. Les accrochages avec d’autres pans de la société et inévitablement avec les forces de l’ordre auraient été inévitables. Cette confrontation aurait été fatale à Ennahdha au pouvoir mais aussi au pays.

Le gouvernement et Ennahdha principalement ne savent plus où donner de la tête tant les dérapages de ministres maladroits et méprisants se multiplient, les manipulations des cheikhs aux propos belliqueux se succèdent. La mauvaise gestion des affaires de l’Etat est telle qu’ils ne parviennent même plus à assurer correctement l’organisation des examens du baccalauréat!

Par son inefficacité, le gouvernement provisoire a laissé pourrir bien trop longtemps une situation complexe, par son arrogance et son entêtement à ne pas s’ouvrir à toutes les sphères possibles, il s’est isolé et est à présent décrédibilisé. Alors qu’il avait besoin d’un maximum de concertation, il s’est coupé d’une grande partie des Tunisiens, y compris de ceux qui l’ont un temps soutenu. Pendant ce temps, les Tunisiens apprennent la démocratie, s’organisent et se battent intelligemment via leurs idées, leurs propositions, leuts critiques, etc.

Pour preuve, la toute récente affaire de l’art contemporain au palais « El Abdelliya » de la Marsa. Alors que les islamistes criaient que l’élément déclencheur des violences de ces derniers jours était une exposition où certaines toiles porteraint atteinte à la religion, des musulmans ont condamné toutes formes d’atteinte à la religion et ont surtout réitéré haut et fort qu’aucune partie de la société n’était plus musulmane qu’une autre. La supercherie a fini par être dévoilée par les médias. L’opposition souvent qualifiée de «0,000» a su adopter une attitude digne, ferme et intelligente.

Aujourd’hui, les Tunisiens observent, abasourdis, des querelles entre des frères ennemis de la mouvance islamique tout en subissant durement une situation économique et sociale pénible. Face à ces agressions de tous bords, la société civile s’oppose avec force et commence à être rejointe par des partis politiques qui jusqu’à il y a quelques temps tournaient en rond.

Le jeu dangereux et malsain du gouvernement provisoire et d’Ennahdha principalement se fracasse à cause de leur manque d’engagement à défendre les valeurs de la liberté. Par son arrogance, ils poussent dans leurs retranchements ceux qui peinaient à s’unifier. L’opposition réelle commence à s’organiser contre la voie dans laquelle les nouveaux gouvernants veulent mener le pays.

Cela s’appelle défendre un projet de société. C’est précisément tout l’enjeu pour la Tunisie; une situation qui nécessite de plus en plus de la vigilance et de la mobilisation.

Amel Djait

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