Ce ressenti est partagé par certains figures incontournables de Djerba bien que la majorité des habitants de l’île ait apprécié la visite.
Le geste arrive trop tard dira un juif commerçant de bijoux mondialement réputé : « Il arrive trop tard… On a laissé faire, on a laissé s’exprimer la haine d’une minorité contre une autre minorité. Moi, je n’ai aucun problème chez nous, mais ça fait mal de se faire insulter dans son propre pays. Convaincre les juifs d’Europe de venir massivement pour la « Ghriba » et en dehors pour des vacances au vu de la situation est une autre affaire… », conclura-t-il, non sans peine.
A l’occasion du Congrès de l’Organisation Mondiale du Tourisme qui s’est tenu à Djerba du 16 au 18 Avril, c’était au tour d’Hamadi Jebali et du ministre du Tourisme tunisien Elyes Fekhfekh de confirmer que la « Ghriba » se tiendra cette année dans les meilleures conditions.
D’ores et déjà, on annonce la présence de 500 à 1500 pèlerins. René Trabelsi, opérateur touristique influent et fils du président de la communauté juive de Djerba, déclarait : « Ce pèlerinage va avoir un impact très important sur le tourisme et sa réussite va attirer des milliers de juifs à l’avenir ».
Déclarant « avoir confiance dans les mesures de sécurité et la tolérance de la population tunisienne», René Trabelsi a tout de même exprimé son étonnement quand à l’arrivée attendue le 3 mai du prédicateur Youssef Qaradhaoui en Tunisie : « Sa présence sur le sol tunisien est une arme de destruction. Cette personne est interdite dans plusieurs pays et s’il lance des propos antisémites, je vous garantis que c’est bye bye la Ghriba ! ».
Sauf que ce n’est pas seulement compromettre « la Ghriba » mais aussi mettre en danger une fois de plus le tourisme tunisien. La situation économique et sécuritaire du pays ne peut supporter un autre séisme à l’instar de celui provoqué par un autre prédicateur, Wajdi Ghanim. L’image de la destination s’est véritablement érodée après les événements du 9 avril et les images qui ont circulé dans les médias du monde entier ne sont pas sans impact sur la destination qui s’apprête à vivre sa haute saison.
Comment permettre à un tel hôte de se trouver sur le sol tunisien à quelques jours de la « Ghriba »? Le ministre du tourisme répondra dans sa conférence de presse : « La Tunisie est un pays libre et démocratique. Qaradhaoui est un intellectuel et il n’y a aucune raison de ne pas le recevoir. ».
Il est clair qu’au vu des rapports de ce membre de la confrérie des frères musulmans, déchu de sa nationalité égyptienne et possédant actuellement la nationalité qatarie, avec Rached Ghannouchi, l’événement sera de taille. Reste que c’est à l’état tunisien d’assurer la sécurité des Tunisiens, de tous les Tunisiens et d’empêcher les débordements et notamment les propos haineux répressibles par la loi.
C’est du rôle de l’Etat de veiller à ce que la présence du cheikh très probablement reçu en grandes pompes et entouré de nombreux sympathisants ne trouble pas l’ordre public. Quand on voit comment le gouvernement gère le sit in devant l’établissement de l’ERTT, on est en droit de se demander si nous n’allons pas avec certitude au devant d’une catastrophe annoncée.
Au vu de la situation, il est regrettable de se contenter de condamner des actes isolés lorsqu’ils sont consommés. Il faut une action efficace et rapide et de l’anticipation pour anticiper et arrêter l’hémorragie. Ces incidents répétés isolés ou orchestrés isolent le pays, font peur et fuir.
Pourrait-on espérer plus si l’on voulait dissuader les touristes de venir en Tunisie ? Certainement pas.
Alors, soyons réalistes. Au lieu de parler d’un tourisme qui risque vraiment de ne pas repartir, traitons le problème de cet obscurantisme dans lequel on veut envelopper la Tunisie ouverte et tolérante. Les images de ce qui se passe dans notre pays choquent une majorité des Tunisiens. Alors que dire des étrangers et des tours opérateurs!
Amel Djait
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