Le budget de fonctionnement de l’association est de 15 mille dinars par mois. Quand je demande au directeur du centre, un cheikh zeytouninen affable, d’où vient l’argent, il répond: « Des amis de l’association, de gens généreux mais nous avons aussi un taxiphone, plusieurs écoles coraniques pour les enfants et avons l’intention de faire une affaire plus grosse et rentable afin de lutter contre le chômage mais aussi augmenter nos ressources ».
Durant le court entretien que j’ai eu avec lui, il se dégageait de l’école une ambiance sereine et une forte impression de discipline. L’entrevue a été interrompue à plusieurs reprises par des femmes. Une qui cherchait du travail, une autre qui avait besoin d’un Efferalgan et une troisième qui demandait des fournitures scolaires pour son fils qui va à l’école sans livre ni cahier.
Le cheikh tente de répondre à toutes sortes de demandes et son autorité morale dans le quartier ne se discute pas. La maison du Coran est, indépendamment des considérations religieuses, une porte que l’on pousse quand on a faim ou soif. A défaut de trouver du travail, on s’y achalande comme dans une pharmacie.
Ouvert, le cheikh s’oppose aux divers projets de formation zeytouniens qui sont en train de se mettre en place car pour lui « tant que les diplômes ne sont pas reconnus par l’éducation nationale et l’enseignement supérieur, cela reviendrait à usurper les étudiants ».
A sa manière de revoir l’histoire de la Tunisie, on comprend combien le compromis pour « le bien vivre ensemble » va être difficile à trouver. Pour lui, il ne fait aucun doute que le pilier de la Tunisie moderne, c’est lui et ses semblables. Bourguiba a construit l’école moderne « mais c’est nous, l’armée silencieuse, qui avons porté ce projet. Les Zeytouniens étaient dans les rues durant la lutte pour l’indépendance du pays et c’est eux qui ont formé aussi l’administration tunisienne. Il est temps de réécrire l’histoire! »
En attendant, c’est l’avenir qui se façonne dans cette école mais aussi dans beaucoup d’autres qui s’ouvrent ici et là dans le pays. L’ouverture d’écoles coraniques en Tunisie a certes fait polémique mais cela ne les empêche pas de s’ouvrir à grande vitesse. Si toutes les écoles ne sont pas des laboratoires d’endoctrinement pour les enfants, il y a lieu de se poser de sérieuses questions quand à l’enseignement qui y est donné, la séparation des sexes dans la cour et la classe, etc. Des images montrant des élèves dans des accoutrements étranges avec des bandeaux sur le front les assimilant à des djihadistes plus qu’à de jeunes élèves affolent.
Que fait le gouvernement? Où est le ministère de tutelle? Qui contrôle le déroulement des cours et ce que l’on y inculque? Pourquoi le gouvernement a-t-il ignoré les diverses sonnettes d’alarme de la société civile? Où est le ministère de la Femme et de l’Enfance qui s’est contenté d’un communiqué? Qui prend soin de ces enfants à qui l’on vole l’enfance et les rêves ?
Amel Djait
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