Femmes en Tunisie : La stratégie de l’intimidation

Les témoignages de femmes agressées se multiplient et se ressemblent étrangement. Toutes ont subi la violence verbale, les menaces, l’arrestation et des insultes par des représentants des forces de l’ordre ! Des policiers censés protéger les citoyens et les citoyennes.

Le bal des violences a été ouvert le week-end dernier sur l’avenue Habib Bourguiba avec l’agression de Rym El Banna. L’artiste a d’ailleurs porté plainte contre le ministre de l’Intérieur dont les services se sont vite empressés de contester la version de la jeune femme pourtant agressée devant des témoins.

François Besse est Français et vit en Tunisie. Il s’indigne de ce dont il a été témoin : « Tout cela est surement vrai… J’ai été témoin d’une scène similaire où des policiers ont tenté d’effrayer une amie (et pas d’un soir) qui m’accompagnait en rentrant d’un restaurant la nuit. Menaces et tentatives d’intimidation déjà en septembre à la Marsa, la pauvre a fini par s’effondrer accablée et en pleurs. Ils ont fini par la laisser partir au bout de 2 heures car j’ai refusé de l’abandonner comme ils voulaient que je le fasse. Elle m’a raconté ensuite qu’ils lui ont ordonné en premier lieu de ne parler qu’arabe pour que je ne comprenne pas, puis qu’ils voulaient obtenir de l’argent ou des faveurs sexuelles en la menaçant de 6 mois de prison. Depuis j’ai constaté que les pressions policière sur les femmes sont croissantes et de plus en plus nombreuse. Elles sont effrayées de circuler la nuit. Vérification faite auprès d’un avocat, ils s’appuient sur des lois qui n’existent pas comme par exemple qu’une Tunisienne n’a pas le droit d’accompagner un étranger. C’est faux, la seule chose qu’elle n’a pas le droit de faire c’est de se prostituer et pour cela il faudrait encore que la preuve d’un échange d’argent soit établie. Mais en général ils sont plusieurs et c’est leur parole qui prévaut. En gros, ils font ce qu’ils veulent et ce n’est pas le signe d’un passage à la démocratie mais bien un passage à la charia.»

Sur les réseaux sociaux, les témoignages sont de plus en plus nombreux. Ils corroborent cette «nouvelle approche» des forces de l’ordre Tunisie.

La police serait donc en train de faire la chasse aux filles en tenue de soirées, sortant le soir, habillées selon un certain code vestimentaire… Tous les prétextes sont bons pour les sermonner sur leur tenue et sur le fait de « sortir » le soir dans des boîtes… par l’intimidation, l’insulte, voir l’agression physique. Sans parler des accusations abusives voir mensongères pour outrage à agent de la force de l’ordre avec PV et obligeant les personnes à les signer.

Il convient aussi de noter que ces actes restent isolés puisqu’à ce jour les discothèques sont ouvertes, et la nuit les villes touristiques ou pas pullulement de jeunes gens qui boivent, sortent, dansent et profitent d’un été chaud mais pas du tout sous haute-tension.

La polémique actuelle sur Facebook fait sourire Donia H. Journaliste, la jeune femme avoue ne pas comprendre: « Je suis surprise de pareils témoignages. je sors souvent et j’ai été arrêté par les flics qui se sont parfaitement comportés.C’est de l’amplification! Voir la police vadrouiller me rassure. Ils font leur boulot et croyez moi je n’ai pas rallongé mes robes ! « 

La question s’impose : Une partie de la police nationale tunisienne serait-elle en train de se substituer à l’association « El amr bil mâarouf wal nahy alil mounkarii ». Est-ce le rôle d’un policier que de faire la morale à des jeunes femmes qui n’ont pas enfreints la loi mais profitent de leurs libertés individuelles? Surement pas. De qui répondent ces comportement policiers venus d’un autre temps et d’autres mœurs ?Est-ce le rôle d’une police nationale ?Qui contrôle ces abus ?

Certaines sources parlent de groupes de « policiers nouvellement recrutés ». Sont-ils en train d’être plus royalistes que le roi en faisant de l’excès de zèle pour plaire au parti au pouvoir ? Interprètent-ils à leur manière les propos d’un député qui réclame des plages pour hommes et d’autres pour les femmes ? En attendant la situation est préoccupante et il s’agit de rester vigilent, de dénoncer, de condamner et de porter plainte si nécessaire.

Le devenir des femmes en Tunisie soulève en de pareils moments de l’inquiétude. Ce n’est pas maître Bochra Ben Hmida, avocate et fervente militante des droits de l’homme qui contredira cela. Dans une récente conférence, l’avocate a déclaré : « J’ai peur… Je suis pessimiste même quant à l’avenir de la Femme dans le monde arabe et ce pour plusieurs raisons. La Tunisie vit, actuellement, une sorte d’apostasie dans le cadre de ce qu’on a qualifié de rupture avec le passé. La Tunisie est considéré en tant que précurseur dans le monde arabe. C’est le premier pays a avoir émancipé la femme en lui accordant la totalité de ses droits par la promulgation du Code de Statut Personnel.  Et avec ça, on essai de rompre avec ces gains, ces acquis et renvoyer la femme, qui a participé au soulèvement du 14 Janvier 2011, à l’ère des ténèbres, de la peur, de l’incertitude… »

Un constat qui mérite réflexions, mobilisation, engagements…

Amel Djait

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