Comme d’habitude, on a eu droit à des interventions respirant un peu la routine et même l’ennui.
Pour certains intervenants, il s’agissait de formalités à accomplir au plus vite. Malgré la décoration tout en blanc de la grande salle de (réunions-banquets- mariages-concerts), les mines étaient plutôt grises et renfrognées et les idées plutôt noires. Les propos tenus par les officiels public et privés étaient, comme on dit, de circonstances. L’ombre noire des barbus salafistes planait sur la conjoncture.
La situation appelait pourtant à plus de conviction, plus d’autocritique et plus de créativité. Conscient de la présence d’un beau parterre de journalistes et de caméras TV, chacun tenait à défendre ses intérêts les plus spécifiques et à montrer qu’il est meilleur que son vis-à-vis ou son voisin. Voici quelques échantillons de propos tenus :
Le ministre tunisien du Tourisme, Elyes Fekhfekh: « Nous avons atteint les objectifs que nous nous sommes assignés en 2012. Nous avons rattrapé la baisse enregistrée en 2011 et amorcé une relance réelle pour réaliser les performances de 2010. Bravo à toute mon équipe « .
Le président de la FTH : « On est encore loin des chiffres de 2010. Il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser ».
Le président de la FTAV: »Je suis d’accord avec le président de la FTH. Je pense que nous devons garder espoir et rester en contact les uns avec les autres. L’administration doit être plus coopérative et plus transparente ».
Les représentants de l’ONTT: « Affrètements aériens, bookings hiver, bookings été en stagnation, en recul ou en légère augmentation. Déficit de communication, concurrence de plus en plus vive, nécessité de soutenir les TO en vue de développer la programmation de la destination. »
Les représentants de l’Agence Publicis auraient pu dire ceci : Merci , merci. Merci de nous avoir choisis pour gérer votre communication touristique. Nous sommes une agence connue pour sa disponibilité et pour sa flexibilité. Qui ne le serait pas devant une telle masse budgétaire?
Nous sommes d’accord avec toutes les remarques que vous avez exprimées et même celles que vous n’avez pas exprimées. Nous avons conçu une campagne valable pour tous les marchés. Nous vous avons concocté un grand nombre de recettes et d’ingrédients et chacun de vous peut composer son propre plat.
La campagne de publicité que nous vous concoctée, c’est un peu comme l’auberge espagnole, on y trouve ce qu’on y apporte . Même si le budget est insuffisant pour certains marchés, nous le prenons quand même car il sera géré par nos succursales mondiales. Ainsi aucun millime ne nous échappera.
Question média, pas de problèmes ! Nous avons prévu le dispositif le plus complet : TV, affichage, presse, magazine, digital, etc. En veux-tu, en voilà ! Un véritable service à la carte !
Il est évident que nous n’allons pas rater cette occasion pour gagner un maximum sur les frais techniques. C’est pour cela que nous prévoyons le mix média le plus large. Les économies en frais techniques et les synergies attendues d’une campagne unifiée resteront donc du domaine du mirage. Nous vous avons trouvé un concept fort qui caresse votre amour narcissique de la révolution et de la liberté dans le sens du poil et qui se résume dans la signature suivante : « Tunisie: libre de tout vivre».
Quant à la stratégie créative elle prévoit un patchwork de produits et d’activités insolites et inattendues: golf dans l’arène d’El Jem, piscine au cœur du massif montagneux de Midès , kite- surf, planche à voile et catamarans surgissant des dunes de sables de Douz, plages de Djerba couplées aux monts des Ksours de Tataouine.
Nous appelons cela montée en gamme et voyages premium propre à débanaliser votre image actuelle, même si nous sommes convaincus que la réalité de votre offre est tout autre. En fait, le client n’est pas dupe. Il sait bien que la Tunisie a toujours multiplié ses promesses touristiques pour finalement se cantonner dans le balnéaire. Sa seule offre crédible. Nous, en tant qu’agence de Publicité , ça ne nous gêne nullement de partager vos fantasmes et même vos mensonges !
Nous aurions aimé avoir un budget sur trois années pour construire une image forte, motivante et puissante. Mais nous acceptons quand même un budget d’une seule année car nous n’allons pas cracher sur 38 millions d’euros. Nous savons pertinemment que ce montant ne sera pas suffisant pour amorcer un processus de construction d’une nouvelle image. Tant pis pour vous ! Nous n’avons pas l’intention d’être plus royalistes que le roi.
A votre place, nous aurions imaginé une répartition budgétaire plus réaliste comportant un volet tactique destiné à promouvoir les ventes et un volet événementiel puissant pour améliorer l’image. Nous avons fait tout ce travail, bien que nous n’ayons pas eu des objectifs par marché. On se demande même si vous en avez la moindre idée. Enoncer un objectif global de 10 millions de touristes en 2016 c’est bien, décliner cet objectif par marché, c’est mieux car cela permet d’affiner le ciblage et la répartition budgétaire. Même si votre brief est vague et incomplet, cela ne nous gêne pas de vous dire qu’il est excellent et qu’il ne souffre d’aucune insuffisance.
WAHID BRAHIM
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