La Tunisie est même une destination de tourisme médicale en ce sens ou beaucoup de femmes viennent s’y refaire une beauté pour répondre aux attentes d’une société machiste. Rappelons simplement qu’au lendemain de la révolution égyptienne des touchées vaginaux ont été effectués pour vérifier si les militantes de la place «Tahrir» étaient encore vierges!
Ceci dit, la virginité n’est pas uniquement le fait des sociétés arabo-musulmanes. Elle est fortement appréciée dans le monde… Rappelons qu’il y a 60 ans les mêmes pratiques étaient d’actualité par exemple en France dans une société chrétienne. Plus récemment, au Japon, une entreprise a créé en 1993 un produit évitant l’intervention chirurgicale de l’hyménoplastie et garantissant l’effet «saignement» si précieux aux yeux de certains. Vendu aux 4 coins du monde, ce produit est livré dans les pays où les femmes subissent fortement le poids des traditions et où elles excellent souvent, contre ou avec l’appui de certains hommes, à contourner l’ordre établi.
Les femmes ont recours à cette pratique afin de conforter les hommes dans ce que les traditions les poussent à réclamer : la virginité, synonyme de « pureté » et d’honneur. Un honneur qu’il a été décidé de placer entre les cuisses des femmes !
Avec l’hyménoplastie, les femmes trouvent une solution pour profiter de leur vie sexuelle. L’âge du mariage en Tunisie avoisine les 30 ans et la société qui se refuse à reconnaitre toute légitimité et existence de vie sexuelle en dehors du mariage est celle- la même qui trouve les subterfuges pour contourner le discours officiel/institutionnel et les discours/pratiques officieuses.
La psychanalyste Nedra Ben Smail vient d’écrire un livre qui détone : «Vierges? La nouvelle sexualité des Tunisiennes». Avec cet ouvrage, elle chamboule le silence qui entoure la vie sexuelle des femmes dans un pays arabe et musulman. Un ordre tu avec hypocrisie et ce n’est pas le contexte politico-sociale trouble de ces moments en Tunisie que les questions cruciales liées à la sexualité dans nos sociétés vont être mises sur la tapis. Qui parle de l’inceste ? De la violence faites aux femmes à l’heure où près d’une Tunisienne sur deux est battue? Qui se soucie des viols au sein du couple alors que des voix s’élèvent pour réclamer le mariage «ourfi » ? Et j’en passe !
A travers ce livre, Nedra Ben Smail propose un éclairage sur la réalité de la vie sexuelle des Tunisiens (car pour faire l’amour il faut être deux !). Ce livre tombe à point nommé pour apprendre que parmi ceux qui viennent consulter avant le mariage (et donc un chiffre généralisable) il apparait que «les médecins estiment à seulement 5% les filles tunisiennes qui ne se préoccupent pas de la question de la virginité avant le mariage, 20% seraient des vraies vierges et plus des trois-quarts seraient des vierges médicalement assistées ». Une révélation ? Un choc ? Rien de plus que la société tunisienne ne sache déjà et qu’elle n’avoue pas!
Basée sur des enquêtes auprès de gynécologues et sur la base de témoignages anonymes recueillis à travers le net, il ressort à travers l’enquête qu’une femme qui a eu des relations sexuelles hors mariage est considérée «au mieux, comme la victime de ses pulsions et de sa naïveté, au pire comme une fille de mauvaise vie. Dans tous les cas, elle est un être malade et souillée».
En attendant la souillure générale, il reste à faire des études sur l’impuissance masculine et le nombre d’hommes dont la taille du sexe ne leur permet pas de perforer l’hymen. Si certaines femmes estiment que l’ hyménoplastie est un moyen pour se libérer et s’épanouir tout en entrant dans le moule et en s’en jouant , d’autres estiment que cette pratique fait parie des maltraitances à l’égard des femmes.
Qui cherche-t-on à tromper ? Dieu ou l’homme ? Quand on accepte de jouer le jeu, c’est déjà l’admettre et se résigner à ne rien changer. Et justement, en Jordanie, des femmes sont tuées car elles sont juste suspectées de ne plus être vierges. Vigilance et éducation sont donc les maîtres mots à un moment où les femmes subissent des intimidations en tout genre pour refermer l’étau sur leurs libertés individuelles.
Amel Djait
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