Elle a fait naître un immense espoir par la façon dont ces femmes et ces hommes de toutes les régions, de toutes les appartenances, de toutes les religions… ont été capables de dépasser leur personnalité propre, pour s’unir et pousser ensemble leur pays dans la voie de la démocratie, de la liberté et du progrès.
Elle était merveilleuse cette Tunisie cosmopolite, métissée, multiculturelle et pluri religieuse. Merveilleuse à ses propres yeux. Merveilleuse aux yeux du monde arabe qui s’est empressé de lui emboîter le pas. Merveilleuse aux yeux du monde qui voyait en elle, toutes les raisons de croire dans le monde arabe et la culture musulmane ; de voir dans le monde arabe musulman, le gage d’une main tendue qu’on serre comme le plus solide des pactes de confiance.
Près d’un an et demi plus tard, le dictateur rejeté par son peuple coule des jours vraisemblablement heureux dans son pays d’accueil, tandis que son pays coule dans le puits sans fond des combats fratricides, des inégalités entre femmes et hommes, d’une dictature religieuse et culturelle à côté de laquelle la dictature humaine ressemble à un plat sans épices.
Ah, il doit bien rigoler, Bel Ali !
Il doit bien rigoler de voir ses successeurs englués dans le blanc et le noir de discours et d’attitudes contradictoires. Il doit bien rigoler de voir les dieux du progrès et du tourisme tourner le dos à ce pays qui possède de si beaux fruits naturels, environnementaux, économiques et humains… rongés de l’intérieur par des vers capables de pourrir les plus beaux fruits.
Ceux qui s’intéressent à la Tunisie et ceux qui aiment la Tunisie ne peuvent qu’assister impuissants à la destruction intérieure de la société tunisienne. Celles et ceux qui aiment ce pays et qui aimeraient contribuer au soutien et au déploiement de toutes les richesses qu’il possède, ne peuvent que s’interroger, retenir leur élan, reculer effrayés devant la vision de ces Tunisiens unis dans la même révolution.
Ces touristes qui aimeraient visiter la Tunisie nouvelle, ne peuvent que se détourner d’un pays dont désormais, ils ont peur. Se détourner et accentuer un chômage provoqué par tous les fauteurs de troubles (in)conscients du mal qu’ils provoquent à leur famille, à leurs amis, à eux-mêmes.
A la vision de cette liberté d’expression muselée, à la vision de ces journalistes agressés, à la vision d’une police démissionnaire devant la violence et destructrice de toutes les expressions de la liberté, on se sent impuissant et effrayé.
On se sent découragé et on ne peut s’empêcher de s’interroger :MAIS QUI PEUT BIEN VOULOIR LA PEAU DE LA TUNISIE ?
Qui peut bien vouloir la peau de ce pays qui possède tant d’atouts en lui ? Quel intérêt trouve-t-on à couper la tête d’une démocratie à peine naissante pour engendrer une dictature qui enfouira immanquablement tout un peuple dans l’impasse noire d’un avenir sans avenir ?
Malgré les velléités de celles et ceux qui croient en leur pays, qui en portent fièrement le drapeau, qui valorisent ses atouts et ses qualités, d’autres balaient tout cela d’un coup de violence, d’une bouffée d’obscurantisme, de tous ces relents de basses morales… qui n’auront d’autres effets, que d’enfoncer celles et ceux qui cherchent un emploi, celles et ceux qui commencent à avoir faim, celles et ceux qui doutent… dans une vie sans issue.
Dans une existence où tout espoir est interdit… même l’espoir dans ce dieu et cette religion que les fous de dieu présentent comme une issue, comme un avenir.
Un avenir ?
A lire, à voir, à entendre… ce qui se déroule actuellement en Tunisie, on a peine à croire que ce pays possède encore un autre avenir que celui de l’obscurantisme et de la régression culturelle, économique et intellectuelle.
A lire, à voir, à entendre la façon tous ceux qui détiennent les clés de l’ordre et du pouvoir gèrent la nouvelle Tunisie, on éprouve l’envie d’assister, de loin surtout, au naufrage de cette société qui possédait tant de qualités et tant d’espoirs en elle.Oui, la regarder couler. De loin surtout. Comme on assiste à un de ces films noirs dont on sait qu’il finira mal.
Non, je ne sais pas qui veut la peau de la Tunisie. Mais ce que je sais, c’est que cette Tunisie qui se bat contre elle-même, ne connaîtra aucun vainqueur ; pas même ceux qui décident, qui agissent, qui provoquent le naufrage de ce pays.
Dans un crime, dans un meurtre, il faut toujours un ou plusieurs exécuteur(s) des basses œuvres.Des foules de salafistes peut-être. Des foules qui ne sont que le bras inconscient de forces qui se foutent pas mal de leurs motivations. Mais ce ne sont jamais à eux que profitent le meurtre.
Le meurtre de cette Tunisie qui donnait tant d’espoir à la Tunisie, aux Tunisiennes, aux Tunisiens, aux ami(e)s de la Tunisie… profitera à d’autres qui veulent la peau de la Tunisie, à d’autres dont le visage est caché aujourd’hui et qui se dévoileront le jour où le pays ne sera plus qu’un champ de ruines.
Alain Trémiseau
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