Parité ? Héritage ? Avenir du pays, oui !

Peu de femmes émergent en politique. Pourtant elles sont bien présentes dans le tissu associatif tunisien et se mobilisent pour de nombreuses causes. Sont-elles seulement en train de réaliser que ce sont elles qui ont le plus à perdre ? Pas si sûre ! Car en fait et même si l’on est tenté de le croire, c’est toute la société tunisienne qui est concerné par deux projets de société, l’un moderniste et l’autre passéiste. Deux courants qui expriment deux visions distinctes du monde. A moins que les jeux politiciens n’en décident autrement et loin d’avoir les réponses à ces sables mouvants qui se déploient, une chose est certaine ce n’est pas seulement le sort des femmes qui risque d’être scellé mais celui des hommes aussi. En un mot, celui de l’avenir de la Tunisie.

Celles qui comme moi aujourd’hui ont 40 ans n’ont jamais connu la vie sans le Code du Statut Personnel(CSP) et  ont peut-être tord de penser que leurs acquis sont inaliénables. Mesurent-elles toute la portée des enjeux qui sont en question ? Voilées ou pas, instruites ou peu, politisées ou à peine, sont-elles les seules à être menacées ? Peut-on balayer d’un coup 50 ans et applaudir à un retour en arrière ? Celles qui le souhaitent se rendent-elles compte qu’en plus d’être autodestructrices, elles hypothèquent l’avenir et pas seulement le leur ?

Les jeunes qui se sont battus durant cette révolution réalisent -ils qu’en boudant la « chose » politique, ils donnent quand même leur voix ? Les partis politiques qui s’agitent vont-ils enfin trouver un moyen d’équilibrer les forces en simplifiant la vision pour le peuple tunisien et en se débarrassant de leurs egos surdimensionnés ? A ceux qui veulent le pouvoir, la présidence et les chaises, vous voulez gouverner ? Soit, mais vous voulez gouverner qui et quoi? Un pays avec son peuple mobilisé et fier, motivé et innovant ou un pays qui va se terrer dans le passéisme ?

Plus de 2 800 000 tunisiens sont inscrits aux élections. C’est peu, encore trop peu. La faible mobilisation des femmes et des jeunes révèle le désintérêt autant que l’incompréhension d’une frange de la population ayant droit au vote. Indépendamment des sentiments de révolte ou de rejet, la situation actuelle affole et afflige. Elle tétanise ou horripile aussi. Nous sommes en suspension, oscillant entre fatalisme et inquiétudes, espoirs et craintes, enthousiasmes et délires…

Pour le moment, que celles et ceux qui pensaient que les droits des femmes ont servi d’alibi à un pouvoir qui réussissait à dénaturer les causes les plus nobles, que ceux et celles qui considéraient que la question des femmes a été instrumentalisée pour cacher des maux bien plus graves refusant de se complaire dans «l’exception tunisienne», et que ceux et celles qui ne se pensent pas concernée par la protection des acquis du pays se réveillent. Si on cède sur le CSP, c’est tout le reste qui s’écroule. Après les femmes, ce sont les artistes, les minorités, les étrangers, les différents… Ce sont les libertés qui sont menacées.

Le chemin est ardu mais on ne peut s’empêcher d’espérer voir notre société s’épanouir. Seuls des hommes et des femmes qui regardent dans le même sens, celui de l’égalité et du respect sont les bâtisseurs d’une Tunisie moderne, progressiste, ouverte et tolérante. Espérons les voir soutenus par ceux qui ne savent pas encore, se pensent à l’abri et n’ont pas de statut particulier à défendre, du moins pour le moment. Un jour viendra où leurs droits à eux aussi seront menacés. Le statut des Tunisiennes est aussi et surtout une affaire d’hommes. Il faudra consolider le socle sur lequel est bâti notre pays en érigeant un toit suffisamment vaste et accueillant pour tous. Y compris pour ceux qui souhaitent partager le moins possible.

En attendant le 23 octobre, il reste à savoir que des femmes se battent tous les jours. Elles sont la cheville ouvrière et la force de travail de ce pays. Certaines d’entre elles viennent de se mobiliser pour lever les réserves du gouvernement tunisien sur la convention CEDAW. Une convention qui a été adoptée en 1979 par l’Assemblée Générale des Nations Unies et qui préconise l’abolition de toutes les discriminations à l’encontre des femmes pour l’exercice de leurs droits inaliénables.

En 1985 la Tunisie a ratifié cette convention en émettant des réserves justifiées par la volonté de se conformer à l’Article 1 de la Constitution. A l’heure où la constitution tunisienne est plus que jamais à l’ordre du jour, cette revendication rappelle que la Tunisie pourrait gagner la parité. Qu’en est-il de l’héritage ? Qu’en est-il de l’égalité ?

Amel Djait

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