La Table de la Côte, l’élégante balade gourmande de Malek Labidi

S’il y’a un livre que j’aurais adoré faire après 10001tunisie et ses diverses publications, c’est sans doute La Table de la Côte, récemment paru aux éditions de la fondation BIAT, conçu et réalisé par Malek Laabidi. Alors comment écrire un article pour présenter un livre sans jalouser l’auteure et en vouloir au commanditaire? Je ne vous promets rien! Par Amel Djait

Il faut déjà commencer par admettre que le premier tome, La Table du Nord, paru en janvier 2024 et aujourd’hui en rupture de stock, a été un énorme succès. Ce livre annonçait des fiançailles éblouissantes entre la passionnante jeune femme et la Fondation BIAT. Celles-ci étaient annonciatrice d’un mariage serein et prospère entre l’experte d’art culinaire et la Fondation qui développe de nombreuses initiatives en faveur de la valorisation et la transmission du patrimoine immatériel tunisien.

Kabkabou aux olives du Sahel Chez Nora Belabbes dans son gite rural Domaine de l’Olivier à Sidi Bou Ali

La Table de la Côte est le tome II d’une série de livres sur le patrimoine tunisien. Il est un cadeau incontournable pour un début d’année 2025. Il est aussi et surtout un présent pour tous les tunisiens car il leur ressemble.

Un livre qui ressemble aux tunisiens

Malek Mabidi et son livre de cuisine la Table de la Côte après le succès de la Table du Nord. un inventaire précis et complet sur la cuisine tunisienne
Zhar ou hydrolat de fleurs d’orangers.

En assemblant des centaines de recettes, terroirs et anecdotes, la publication réussit à saisir une partie de cette singularité tunisienne. Il met en en avant la finesse de l’art de vivre du pays autant que ses identités plurielles. Bien plus que des recettes de cuisine, Malek Labidi propose un beau livre de gourmandises et de délicatesses. Un livre balade conçu comme une multitudes de routes et d’itinéraires inventés et réinventés à travers la Tunisie.

Ce livre réussirait il a remplacé l’indétrônable bible de recettes « Oumek Sanafa » ? Pour ceux qui ne le savent pas, celui-ci est le livre culte de plusieurs générations de tunisiennes et tunisiens! Jadis, le complément de conseils, anecdotes et petites astuces se livrait de bouche à oreilles de mères et filles. Et c’est précisément à ce niveau que le travail de Malek Labibi fait date. Par la transcription d’une tradition orale importante et bien au delà des recettes, elle présente un ode à la Tunisie avec ses saveurs et couleurs, terroirs et savoirs faires, fêtes et régions…

500 recettes et 100 produits de terroirs

Eaux florales de Tunisie. Ici, roses anciennes attendant la distillation

Un coup de maitre !

La Table de la Côte est un livre élégant et pétillant. On humerait presque l’iode de la mer et la fraicheur des épices à peine écrasées dès les premières images d’un pavé de plus de 400 pages.

Ce second livre est un coup de maitre pour Malek et son équipe. Un livre qui ressemble à la cuisine qu’on aime, gourmande et consistante. Il fait autant de bien qu’un lablabi piquant à la fin d’une soirée arrosée. Il sent le couscous au poisson du dimanche et fait résonner les rires des enfants remontant de la plage, alors que les papas crient: « A Table! ». Ils n’aiment pas manger froid!

Mention spéciale aux photographies et illustrations, qui s’équilibrent entre elles. Elles instaurent ensuite une orchestration harmonieuse avec tous les autres éléments du livre. La dose d’esthétisme artistique ne gâche en rien l’authenticité simple et chaleureuse d’un rendu final qui saisit le quotidien des gens et les raconte. Au delà de sa complexité, La Table de la Côte réussit à éviter le piège de la sophistication.

Patrimoine à préserver et raconter inlassablement

Raconter un patrimoine culinaire se basant sur une tradition orale n’est pas simple! Comment expliquer qu’un même plat change quasiment au grès d’une région, d’une saison ou même d’une famille? Comment expliquer que la consistance d’une sauce, sa couleur, une herbe fraiche ou sèche moulue peut amener des variations à un plat? Comment expliquer que dans certaine familles, on reconnait le « tajin », la « chackchouka » ou « khobzet fekia » presque en nommant la personne qui l’a faite?

Le récit de Labidi est renforcé d’un narratif visuel qui permet de créer un lien émotionnel avec chaque région qu’elle explore. La galerie des portraits rend hommage aux détenteurs des traditions et des savoirs faires et rend hommage aux gardiens du temple.

Partager la cuisine des femmes n’est pas aisé! Dans nos cultures, la cuisine est le centre des pouvoir, la base arrière de la cohésion sociale et souvent théâtre d’étapes aussi déterminantes que les mariages, les naissances, les décès,…

Le livre se risquait-il à une vision partielle de la gastronomie tunisienne? Nullement, puisque d’autres tomes sont à venir. Ceci étant dit, la territorialité pourrait ne pas être le seul prisme. Et pour cause! Quid de la cuisine des hommes? Quel dialogue est -il possible entre les plats?

Si j’en appelle à davantage de contextualisation avec une analyse socioculturelle un peu plus poussée, vous allez m’accuser d’être jalouse? Franchement, oui et du coup, j’en appelle à considérer davantage le lien entre les pratiques culinaires locales et les dynamiques historiques ou économiques. Cela est certes un autre propos! Cela est assurément un autre livre.

Sardines grillées.

En ces temps maussades où l’on délaisse les côtes au profit des montagnes de Khroumirie et face à la cheminée qui crépite, je me laisse aller à penser et rêvasser!

Comme j’aurais aimé que les routes culturels gastronomiques portées par le Programme de Coopération internationale « Tounes Wejehtouna » et piloté par le Ministère du Tourisme Tunisien avec le concours de l’Union Européenne travaille , en mutualisant les efforts, dans cette même vision et sens que celui que déploie devant nous Malek Labidi et la Fondation BIAT. Comme j’aurais aimé que Malek Labidi et la Fondation BIAT travaillent main dans la main avec l’APIA et sur la base de son premier inventaire des produits du terroirs tunisien.

Comme j’aurais aimé que l’on travaille tous ensemble pour une seule et même cause; mettre en valeur qui nous sommes? Car la seule richesse inestimable de ce pays, c’est nous! Nous autres, les tunisiens et tunisiennes.

Ouzef, petit poissons qu’on cuisine dans un couscous d’exception à Monastir et Mahdia.
Marché de Monastir

Pour en savoir plus: Titre : La Table de la Côte, itinéraire gourmand à travers la Côte Est de la Tunisie
Projet parrainé et édité par la Fondation BIAT
Auteure : Malek Labidi
Nombre de pages : 420
Mois et année de parution : Décembre 2024
Prix de l’ouvrage : 60 dt Prix TTC Tunisie

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